L’accélération de l’opération de la Zone libre-échange continentale africaine (Zlecaf) était le thème du dernier sommet annuel de l’Union Africaine (UA). L’institution continentale a notamment appelé les dirigeants du continent à redoubler d’esprit de panafricanisation du business et du secteur privé africain.
“Il n’est pas normal que l’Afrique soit largement tributaire des importations extérieures en dépit de toutes les richesses naturelles et humaines dont elle regorge. Notre continent peut et doit se donner les moyens de produire suffisamment et de pouvoir transformer et stocker ces produits afin de se préparer aux statistiques qui nous disent que l’Afrique pourrait devenir incessamment le premier marché du monde” a déclaré Azali Assoumani, président des Comores et nouveau président en exercice de l’Union Africaine.
Si l’appel au panafricanisme était surtout adressé aux gouvernements afin de créer le cadre propice au déploiement de la Zlecaf, il pourrait cependant renforcer l’idée d’une panafricanisation à petite et grande échelle des entreprises du continent, lesquelles constituent le cœur-battant de cette plateforme. D’autant plus que cette tendance à la logique panafricaine du business s’observe de plus en plus depuis quelques années. Le secteur financier notamment en a fait la démonstration. Outre les banques d’Afrique du Sud, du Nigéria ou du Maroc qui ont démontré une forte orientation continentale ces dernières années, un rapport de l’Association africaine des fonds d’investissements et de capital-risque (AVCA) montre qu’au premier semestre 2019, 51% de la valeur des transactions en Afrique portaient l’étiquette panafricaine. Si la nécessité de diversifier les risques d’investissement est évoquée comme l’un des principaux motifs, la Zlecaf n’est pas étrangère à cette tendance visiblement renforcée.
Pour Wamkele Mene, secrétaire général de la Zlecaf qui s’exprimait en marge du sommet d’Addis Abeba, la Zlecaf a un côté révolutionnaire dans le sens où l’activité trans-sous-régionale n’est plus l’apanage de quelques entreprises au moyens financiers colossaux, mais peut également intégrer des petits exploitants de l’Est du continent dont les produits sont directement commercialisés à l’Ouest. L’objectif majeur c’est de faciliter les échanges, le système personnalisé de passage des marchandises et l’harmonisation des procédures.
La panafricanisation du business pourrait renforcer l’essor des multinationales africaines car selon les acteurs de la finance africaine, la panafricanisation du business est la clé afin de construire des géants africains dans divers secteurs de l’économie. Elle va permettre aux multinationales d’opérer des choix d’investissement qui les permettront de faire en sorte que demain nous ayons de vraies multinationales, qui savent naviguer dans ces différents environnements avec profitabilité.
L’émergence de mastodontes industriels africains fait également partie des objectifs de la Zlecaf, notamment dans le domaine industriel dont l’essor relève d’une urgence économique depuis les récentes crises mondiales (Covid-19 et guerre en Ukraine). Ce sera une opportunité pour l’émergence de grands entrepreneurs et jeunes industriels africains qui vont accélérer la transformation des économies africaines pour diversifier les sources de croissance et par ricochet l’émergence de nouvelles fortunes africaines.
La “panafricanisation” du business pourrait aussi être un atout pour renforcer le poids de l’Afrique dans le commerce mondial qui ne dépasse toujours pas les 4%.
La Zlecaf qui a son siège au Ghana est officiellement opérationnelle depuis le 1er janvier 2021. Mais à ce jour, peu de transactions se font en raison des nombreux freins dont la non-libre circulation des biens et des personnes, la question des barrières tarifaires, etc. Ces obstacles font notamment que le commerce intra-africain ne représente toujours que 16% du commerce de l’Afrique. L’accord prévoit l’élimination des droits de douanes sur 90% des marchandises d’ici 2030, ce qui n’est pas gagné d’avance, puisque cela devrait encore faire l’objet de longues négociations.
Tous ces sujets seront une nouvelle fois discutés au Forum des entreprises de la Zlecaf dont la première édition est prévue en avril à Cape Town, en Afrique du Sud. Si la tendance de demain semble se profiler aujourd’hui, reste aux dirigeants africains de briser les barrières, afin d’ouvrir pleinement la route du libre-échange continental.