Depuis le début de cette année 2023, de nombreux pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine rencontrent des difficultés à financer leur économie. En témoigne la situation des émissions de titres par adjudication par de nombreux pays sur le marché financier ces trois derniers mois dont plusieurs, non couvertes.
La situation s’est annoncée en janvier avec l’annulation d’une émission par le Burkina, le 18 janvier, jour de l’adjudication et trois émissions non couvertes sur 12, avec précisément le Togo le 13 janvier 2023 (87 %) pour seulement 26 milliards FCFA de souscriptions recueillies, la Guinée-Bissau le 24 janvier avec une couverture de 91 % puis le Mali, 80 % en dépit de ses coupons, 5,90 % puis 6,20 %, les plus élevés depuis le début de cette année et la découverte de nouveau gisement aurifère.
Elle s’est aggravée en février où plus du tiers des émissions de titres publics par adjudication sur le marché financier régional UMOA-Titres en février 2023 n’ont pas été couvertes. Sur 14 émissions de titres, cinq non pu être couvertes avec des taux de couverture allant jusqu’à 37 % (ndlr, débâcle de la Côte d’Ivoire, pourtant locomotive de la zone économique, avec une émission non couverte, 22 milliards retenus sur 85 milliards recherchés).
Comparativement à mars 2022, on note un marché en chute libre en mars 2023. Quatre pays : Burkina Faso, le Niger, la Côte d’Ivoire et le Mali ont dû annuler leur émission. Plusieurs autres pays ont connu de diverses fortunes d’émissions non couvertes, la Côte d’Ivoire 10 %, La Guinée-Bissau 21 %, Togo (24 % et 39 %), Mali (34 %).
Sur les émissions par syndication, au même moment où le Bénin clôturait son opération de 150 milliards, par anticipation avec succès avec un taux de couverture de 110 %, la Côte d’Ivoire n’a pu couvrir, et a dû prolonger sa période de souscription sur le même montant malgré un taux d’intérêt proposé plus élevé à celui du Bénin.
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Cette situation se justifierait par le contexte du marché et les différentes politiques de relèvement du taux directeur à la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour maîtriser ou faire baisser l’inflation. En décembre 2022, le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la Banque Centrale augmentait pour la troisième fois son principal taux directeur pour contrer cette inflation dans l’espace communautaire. Pour ce qui est des prêts de ressources aux banques commerciales, la BCEAO a consacré une augmentation de 0.25 % en décembre 2022. Cela a induit un resserrement de la politique monétaire. On ne peut oublier la décision de suppression de la mesure de refinancement à taux fixe par les banques aux guichets de la BCEAO en vue d’assurer la liquidité bancaire durant la pandémie du coronavirus puis les adjudications à taux variables sur les guichets hebdomadaire et mensuel et la fin de la couverture intégrale des besoins de refinancement soumis par les banques. À cela s’ajoute la quatrième hausse de 25 points de base des taux directeurs effectuée par la banque centrale le 1er mars 2023. Il faudra agir au plus tôt pour le bonheur des économies déjà fragilisées par le conflit russo-ukrainien, en récession par endroits ou encore contraintes à la résilience.
La BCEAO et le Conseil des ministres de l’union, ces recours
Sachant que la première session ordinaire du Conseil des Ministres de l’union monétaire au titre de l’année 2023 s’ouvre ce vendredi 31 mars à Dakar, la situation doit préoccuper cette assise afin que les goulots d’étranglements soient le plus tôt levé pour la prospérité des économies. On espère que le Conseil et les dirigeants se pencheront avec attention sur le sujet pour soulager la peine des États. Aussi, la BCEAO devrait revoir sa politique de rationnement de liquidité, augmentation en cascade de taux directeurs, suppression de taux fixes et instauration de taux variables, fermeture de guichets de refinancement, et autres. Les difficultés relevées sur le marché depuis janvier demeurent inquiétantes et méritent qu’on accorde une attention particulière au besoin de liquidité. Cela s’avère autant important que la maîtrise de l’inflation.
Dans tous les cas les pays africains déjà largement exposés à plusieurs chocs exogènes devraient avoir des approches plus innovantes, disruptives pour se réinventer et réussir à mobiliser les ressources nécessaires au financement de leurs économies et donc à la réalisation de leurs projets.