Oragroup, le groupe bancaire basé à Lomé, au Togo, traverse une zone de turbulences. Depuis le vendredi 1ᵉʳ novembre 2024, il bénéficie d’une période de grâce pour honorer le remboursement d’un prêt libellé en euros et en francs CFA, faute de liquidités suffisantes. Cette situation critique a conduit l’agence de notation Fitch à abaisser la note d’Oragroup, passant de CC à C, avec une menace de nouvelle dégradation si aucun redressement n’est constaté d’ici le 30 novembre, date de fin de ce sursis.
Fitch justifie cette décision par sa conviction que le groupe est en proie à un début de défaut de paiement ou à un processus de restructuration de dette. Une sanction supplémentaire interviendrait si Oragroup manquait un paiement, engageait une restructuration touchant des obligations seniors ou si les régulateurs se voyaient contraints d’intervenir face à une non-conformité prolongée aux exigences de capital.
Le déficit de liquidités d’Oragroup met en lumière une fragilité financière profondément enracinée. En octobre, le groupe avait déjà annoncé la nécessité de lever 273 milliards de francs CFA pour renforcer les fonds propres de ses principales filiales de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). Cette mesure est impérative pour répondre aux exigences des régulateurs avant la fin de l’année. Cependant, plusieurs filiales, notamment celles du Togo, du Tchad et de la Guinée, présentent des niveaux de solvabilité inquiétants, exposant le groupe à des sanctions réglementaires.
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Fitch souligne que le groupe ne pourra se conformer à ces exigences sans une injection de capitaux significative de la part de ses actionnaires actuels ou potentiels. Le ratio de fonds propres de base (CET1) d’Oragroup, tombé à 2,3 % fin 2023, est bien en deçà des 7,9 % exigés par les régulateurs. À cela s’ajoute un portefeuille marqué par un taux de prêts non performants de 20 %, une situation qui menace gravement la stabilité et la stratégie de croissance du groupe.
Pour tenter de redresser la barre, Oragroup envisage une augmentation de capital de 160 milliards de francs CFA, principalement par le biais de l’émission de nouvelles actions ordinaires destinées aux actionnaires existants. Fitch considère qu’une telle opération constituerait un soutien exceptionnel pour combler le déficit de capital.
En parallèle, le groupe explore d’autres pistes, comme la restructuration des bilans de certaines filiales, notamment en Guinée et en Côte d’Ivoire, qui pourrait dégager jusqu’à 80 milliards de francs CFA. Une monétisation des dettes Tier 2 pourrait également injecter 17 milliards de francs CFA en capital. Par ailleurs, Oragroup mise sur l’optimisation de ses actifs pondérés en fonction des risques pour atténuer la pression sur ses ratios de solvabilité.
Malgré ces initiatives, la situation reste précaire. Sans recapitalisation d’ici la fin 2024, la stabilité du groupe pourrait être gravement compromise. La cession des parts d’Emerging Capital Partners (ECP), actionnaire principal d’Oragroup, à Vista Bank, initialement prévue en août 2023, n’a toujours pas abouti. Bien qu’un nouvel accord ait été annoncé en octobre, les détails restent flous, alimentant les spéculations sur l’avenir du groupe.
À l’approche de la fin de la période de grâce, Oragroup se trouve sous surveillance accrue. Tout manquement à ses obligations financières pourrait entraîner une intervention des régulateurs, compromettant ses activités sur ses marchés clés. En bourse, l’action du groupe, cotée à la BRVM, continue de subir la pression : depuis son introduction, elle a perdu plus de la moitié de sa valeur, et les dividendes se font rares.
SUZANNE BATISTA
Sources : Agence Ecofin / Jeune Afrique