Les États de l’UEMOA, les gouvernements de l’Union économique et monétaire ouest africaine ont considérablement renforcé leur présence dans l’actionnariat des établissements de crédit au cours des cinq dernières années. Entre 2019 et 2023, les participations publiques, détenues par les États et leurs démembrements, ont plus que doublé, passant de 300,6 milliards FCFA à 641,9 milliards FCFA, selon les dernières données de la Commission bancaire de l’Union.
Cette progression fulgurante de 113,5 % révèle une stratégie des pouvoirs publics pour accroître leur influence dans un secteur clé, souvent secoué par des turbulences économiques, tout en s’assurant des leviers de financement pour leurs projets de développement. Les besoins nationaux, en constante croissance, peinent en effet à être comblés, notamment en raison des crises successives qui ont frappé la région et le monde ces dernières années.
En 2023, ce sont vingt-trois établissements de crédit, représentant 21,3 % des actifs bancaires de l’Union, qui sont désormais majoritairement contrôlés par l’État. Si cette prise de pouvoir se fait sentir dans la plupart des pays de l’Union, c’est en Côte d’Ivoire que l’actionnariat public atteint des sommets. Dans la première économie de l’UEMOA, les parts étatiques dans le capital des banques ont bondi de 16,6 % en 2019 à 32,9 % en 2023. Une montée en flèche de 16,3 points de pourcentage qui reflète une volonté farouche d’Abidjan de renforcer son emprise sur le secteur bancaire, en appui notamment à sa politique de la dette.
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La dynamique est similaire au Mali et au Bénin. Au Mali, la part de l’État dans les banques est également en hausse, passant de 23,5 % en 2019 à 32 % en 2023, dans un contexte où la stabilité du secteur bancaire est primordiale face aux défis sécuritaires et politiques. De son côté, le Bénin a vu ses participations publiques s’envoler de 9,5 % à 25,9 %, une hausse spectaculaire de 16,4 points. Cette poussée a été matérialisée par la création, en 2020, de la Banque internationale pour l’industrie et le commerce (BIIC), issue de la fusion de deux banques locales et désormais détenue à 100 % par des entités publiques. Ce mastodonte est aujourd’hui la plus grande banque du pays en termes d’actifs. Le Burkina Faso et le Sénégal ont connu des hausses respectives de 6,1 et 6,6 points, avec des parts qui ont atteint 22 % et 14,1 % en 2023. De même, au Niger, l’actionnariat public a progressé, passant de 22,5 % à 24,6 % durant la même période.
Si la tendance générale est à la montée en puissance des États, le Togo fait figure d’exception avec un désengagement progressif. La part de l’actionnariat public y est passée de 14 % en 2019 à seulement 8,6 % en 2023, traduisant un retrait de l’État au profit d’une participation accrue du secteur privé.
À l’inverse, la Guinée-Bissau, bien qu’affichant une proportion relativement faible d’actionnariat public (11,7 % en 2023), a enregistré une augmentation notable de 1,8 point sur la même période.
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Globalement, ces États ont surtout tiré profit du retrait progressif des banques étrangères de l’UEMOA. En effet, le désengagement des investisseurs étrangers a ouvert la voie à une montée en puissance des États, parfois au détriment des investisseurs privés locaux. Bien que leurs parts, estimées à 1 094,2 milliards FCFA en 2019, aient progressé pour atteindre 1 243,2 milliards FCFA en 2023, soit une augmentation moyenne de 13,6 % sur la période quinquennale en raison d’acquisitions et de créations de nouvelles entités, l’actionnariat privé de l’Union a reculé, passant à 52,1 % de la capitalisation du secteur bancaire à fin 2023, contre 54 % en 2019.
SUZANNE BATISTA
Source : Agence Ecofin/ Sika Finance