Environ 60% des banques africaines pensent que les produits financiers visant à réduire leur exposition aux fluctuations du marché des changes à l’instar des contrats à terme et des swaps de devises sont coûteux, selon un rapport publié par le Partenariat Making Finance Work for Africa (MFW4A), une initiative lancée en 2007 par le G8 pour soutenir le développement des systèmes financiers en Afrique.
Intitulé “FX risk in the African Banking sector : Survey report”, le rapport se base sur une enquête menée entre juillet et décembre 2023 auprès de 31 banques et 5 institutions financières non bancaires (IFNB) opérant dans les diverses sous-régions du continent (19 en Afrique de l’Ouest, 7 en Afrique australe, 6 en Afrique de l’Est, 3 en Afrique du Nord et 1 en Afrique centrale).
69% de ces institutions reconnaissent qu’elles sont fortement exposées au risque de change, qui découle essentiellement de l’asymétrie créée par la mobilisation par ces établissements de financements en devises fortes et l’octroi de prêts en monnaies locales.
En général, ces banques mobilisent des financements en dollar américain et/ou en euro auprès des investisseurs internationaux, des institutions financières multilatérales ou encore des institutions de financement du développement (IFD), alors que leurs prêts sont principalement libellés en monnaies locales.
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La majorité des institutions interrogées (58%) accordent des prêts libellés en monnaie locale et en devise étrangère, alors que 36% prêtent uniquement en monnaie locale et 6 % ne prêtent qu’en devises étrangères. Toutefois, 65 % des banques et des IFNB qui prêtent en devises étrangères, déclarent que moins de 25% seulement de leur portefeuille de prêts est libellé dans ces devises.
Du côté du passif, plus d’un tiers des institutions interrogées affirment que 50 % ou plus de leurs fonds et dépôts sont libellés en devises fortes, et un cinquième disent que la proportion de leurs avoirs en devises étrangères se situe entre 25 et 50 %. Il apparaît ainsi que la proportion de financements et de dépôts collectés en devises fortes est bien plus élevée que celle des prêts libellés en devises étrangères, ce qui entraîne un important écart entre les actifs et les passifs en devises étrangères. Conséquence : les financements obtenus en devises fortes sont principalement convertis en prêts en monnaies locales.
Sur les 36 institutions financières africaines couvertes par l’enquête, 22 ont d’ailleurs vu la monnaie du pays dans lequel elles opèrent se déprécier par rapport aux devises fortes au cours des dernières années, et 18 ont rencontré des difficultés à rembourser des dettes libellées en devises étrangères.
Les principaux outils utilisés par les banques africaines pour surveiller leur risque de change sont les systèmes de suivi et les logiciels d’analyse de marché. Elles procèdent également à des évaluations et à des tests réguliers de leur risque de change. Seulement 25 % des banques et des IFNB gèrent le risque de change en utilisant des stratégies de couverture. Celles-ci impliquent l’utilisation d’instruments de couverture contre les effets négatifs des fluctuations attendues des devises, dont les contrats à terme, les options de change et les swaps de devises.
La principale raison de la faible utilisation de ces instruments demeure leur coût élevé, qui pousse la majorité des banques à tenter de gérer tant bien que mal le risque de change en interne.
Pour aider ces institutions à gérer le risque de changement plus efficacement, le rapport recommande aux régulateurs et aux décideurs de prendre des initiatives pour favoriser un environnement propice à la croissance des marchés de capitaux africains et d’établir de nouvelles règles prudentielles portant sur limites des positions nettes ouvertes (PNO) des banques commerciales ainsi que sur les plafonds des prêts et des avoirs en devises fortes.
Les investisseurs internationaux, les institutions financières multilatérales et les institutions de financements du développement sont, quant à eux, appelés à améliorer les offres de financement en monnaie locale aux banques africaines, qui devraient à leur tour renforcer leurs capacités internes en investissant dans des programmes de formation et en participant à des plateformes de collaboration.
SUZANNE BATISTA